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Rebuts ou ressources ? Nos d�chets sont de plus en plus chers � �liminer. Le principe pollueur payeur s'applique bien, mais le pollueur n'est pas celui qu'on croit. Qui paie, et qui en profite ? Voyage dans l'envers du d�cor d'un secteur rebaptis� Propret�. Une excellente �tude r�alis�e par Jean Robert. Retrait�e depuis quinze ans, Marie vit seule, dans un village au coeur de la Dordogne. Pionni�re de la protection de l'environnement, elle a install� des capteurs solaires en r�novant sa maison et composte ses d�chets de cuisine. Aussi, quand le tri s�lectif des ordures m�nag�res est arriv�, il y a cinq ans, elle �tait motiv�e. Sans h�siter, elle a install� cinq poubelles de plus pour le papier, les cartons, le plastique, le verre et les m�taux. Tous les quinze jours, elle s'est rendue � la d�chetterie, situ�e � 6 kilom�tres, pour y d�poser ses d�chets d'emballages. Aujourd'hui, elle ne comprend plus. La commune a mis en place un nouveau syst�me la distribution gratuite de sacs jaunes transparents, destin�s � recevoir en vrac tous les emballages, sauf le verre. "C'est idiot, s'insurge-t-elle. Il faudra mobiliser des gens pour trier, alors que je m'�tais d�j� habitu�e � s�parer moi-m�me les mat�riaux." D�sorient�e donc, Marie. En col�re aussi. Pour la cinqui�me ann�e cons�cutive, sa redevance d'enl�vement des ordures m�nag�res a augment�. Depuis 1996, celle-ci est pass�e de 350 � 800 francs. Cette ann�e, c'est le bouquet elle doit la payer deux fois. Pour la r�sidence principale et pour le g�te qu'elle loue quelques semaines par an. Anecdotique, l'exp�rience de Marie ? Non. En France, le syst�me mis en place voici pr�s de dix ans pour traiter les d�chets semble appartenir � la logique �cologique d'un monde de plus en plus sensibilis� au respect de la nature. Le sondage paru dans le premier num�ro de Jonas est �loquent : 97 % des Fran�ais sont pr�ts � trier leurs d�chets. Mais quels sont les co�ts et les b�n�fices r�els pour l'environnement ? Un peu d'histoire. La poubelle porte le nom de celui qui l'imposa � Paris en 1884, le pr�fet Eug�ne Ren� Poubelle. A cette �poque, � Paris, comme � Londres et � New York, des industriels se chargeaient, moyennant le paiement de redevances assez �lev�es au profit de la ville, d'effectuer l'enl�vement des ordures m�nag�res et de les transporter � l'ext�rieur de la cit� pour servir d'engrais � la culture mara�ch�re. LE POLLUEUR PAYEUR C'EST VOUS Pendant la premi�re moiti� du XXe si�cle, la p�nurie li�e aux deux guerres limitait la consommation et rendait la r�cup�ration n�cessaire. C'est au cours des ann�es 1960 � 1975, avec l'av�nement de la soci�t� de consommation, que les rejets de d�chets dans l'environnement se sont accrus. On se contentait alors de ramasser les d�tritus jet�s en vrac dans les poubelles et de les mettre "au trou" dans la d�charge la plus proche ou de les incin�rer sans pr�caution. Chaque commune avait sa d�charge, laissant, sans aucun contr�le, s'�vaporer du m�thane et percoler des jus toxiques dans les nappes phr�atiques. Les incin�rateurs �taient polluants et malodorants. La situation ne pouvait, ne devait pas durer. Il fallait g�rer autrement les d�chets. Deux lois, en 1975 puis en 1992, d�finissent les bases de la modernisation du traitement des d�chets m�nagers et industriels. Pour les premiers, la commune est charg�e de la collecte et du traitement. Pour les seconds, le producteur du d�chet est d�sormais responsable de son �limination. Ainsi est n� le principe du pollueur payeur. Mais en mati�re de d�chets m�nagers, le citoyen qui paie des imp�ts et consomme des produits se retrouve de fait dans la peau d'un pollueur, et donc d'un payeur. Ce qui lui co�te cher ! "Depuis vingt-cinq ans, le tonnage des ordures m�nag�res a tripl�. Mais dans le m�me temps, le co�t du traitement des d�chets par m�nage a �t� multipli� par cinq ou six", affirme G�rard Bertolini, docteur en �conomie et directeur de recherche au CNRS. En 2000, chaque Fran�ais a produit en moyenne 450 kg d'ordures m�nag�res par an, soit 1,2 kg par jour, hors objets encombrants. Les ruraux produisent moins (320 kg) que les citadins (520 kg). Soit un total de 27 millions de tonnes d'ordures m�nag�res, le contenu de 930 000 camions semi-remorques qui, mis bout � bout, repr�senteraient la moiti� de la circonf�rence de la Terre. Une bagatelle, pourtant, compar�e aux d�chets industriels et agricoles qui totalisent 600 millions de tonnes. La collecte et le traitement par incin�ration ou mise en d�charge co�tent en moyenne 1000 francs la tonne, soit un franc par kilo d'ordures. En milieu rural, c'est plus : jusqu'� 1500 francs la tonne, en raison des co�ts de transport. Quant au tri s�lectif, il co�te 1800 francs la tonne, collecte incluse (1,80 franc par kilo). Malgr� tout, Marie pr�f�re continuer de trier et d�poser elle-m�me ses d�chets. Cette ann�e, en plus de ses efforts, "ses" ordures lui co�teront 5 francs le kilo. Mais ce n'est pas tout. Car, � la fiscalit� locale, s'ajoutent d'autres co�ts cach�s, notamment sa participation, en tant que contribuable, aux subventions nationales, r�gionales ou d�partementales revers�es aux collectivit�s. Sans oublier le paiement du fameux Point vert figurant sur 95 % des emballages. Sa pr�sence montre que l'industriel qui a mis le produit en vente a bien vers� sa contribution de deux centimes aux organismes en charge de la mise en place du tri s�lectif, comme Eco-Emballages ou son concurent Adelphe. Mais ce que l'on ignore le plus souvent, c'est que cette contribution, qui est vers�e pour financer l'�limination des d�chets, a �t� int�gralement r�percut�e sur le prix de vente du produit, tout comme le co�t de l'emballage. Cela �quivaut au pr�l�vement d'une "taxe sur les produits achet�s " de deux milliards de francs. Trente francs par personne et par an en moyenne", �value G�rard Bertolini, du CNRS. Et selon Fran�ois Boyer, directeur de la communication d'�co-Emballages, la contribution sera doubl�e, et passera � quatre centimes par emballage, cela � partir du 1er avril 2002. �ric Guillon, directeur d'�co-Emballages, ne nie pas cette charge suppl�mentaire qui p�se sur le consommateur. "Les industriels r�percutent int�gralement la contribution sur le prix de vente des produits. C'est normal le consommateur est le pollueur. Mais il n'est pas normal qu'il paie deux fois. Certaines collectivit�s ont d'ailleurs fait baisser leur taxation locale sur les d�chets gr�ce � leurs bonnes performances de tri." Lire la suite de l'article
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